Étiquette amour

N’oubliez pas votre préservatif à mégabit lorsque l’amour frappe à la porte de vos pixels

Vous brûlez d’envie de savoir comment j’ai rencontré Rebecca ? C’est toute une histoire que je vais vous raconter avec plaisir, joie, émotion, enthousiasme, nostalgie, rires étouffés et grognements bourrus.
Nous nous sommes croisés pour la première fois sur le marché de la place Sagouin-Lagrange à Palonzeau. La matinée était très avancée et il ne restait plus que quelques melons un peu grisâtres sur l’étal du maraîcher. D’une main crochue, qui reflétait bien son caractère impérieux, celle que je ne connaissais pas encore sous le nom de Rebecca essayait de s’emparer d’un gros melon pas trop moche qui était justement celui que je guignais. D’un coup d’épaule, je lui fis perdre l’équilibre (à Rebecca) et escamotai le fruit dans mon cabas de shopping orné d’un bébé carlin. Il s’ensuivit une conversation animée – appelons ça un pugilat – à l’issue de laquelle Rebecca et moi, échangeâmes nos 06. Commencèrent alors les habituelles corvées du rituel de la séduction. Nous passâmes d’ardentes nuits ensemble, nous allâmes au cinéma, au théâtre, au concert, au club de poney, aux salons de cosplay folklorique… Un soir, sur la plage d’une île grecque, alors que le murmure des poulpes ondoyait à la surface des flots, je décidai de tenter ma chance. Je lui demandai si elle acceptait de devenir mon amie sur Visagelivre (le réseau social que vous connaissez tous). Après quelques secondes qui durèrent pour moi une éternité Rebecca murmura à mon oreille un « oui » humide et tendre. Et d’un doigt léger, elle valida ma demande. Ce fut un moment d’intense émotion. Il nous sembla que le soleil couchant avait suspendu sa course pour saluer notre union en sortant ses petits bras gantés de blanc et en les agitant de manière complice.
Souvent il m’arrive de faire un cauchemar où, pour une raison que j’ignore, les connexion mondiales sont coupées. Plus de téléphone, plus d’internet… Inutile de vous décrire mon désespoir. Rebecca et moi n’avons alors d’autre solution que de recommencer à coucher ensemble, à partager les mêmes repas, bref un insupportable retour vers la bestialité. Puis je me réveille, le visage en sueur. Je tâte le lit vide et froid à côté de moi. Ouf… Au creux de ma main le logo de l’application Visagelivre palpite à l’écran. Je fais apparaître le profil de Rebecca. « Rebecca, je t’aime » murmuré-je en un souffle chargé de la tiédeur apaisée qui réconforte l’amant lorsqu’il se sait connecté. ♦

Zglinicki Friedrich von (1895-1986), photographe, écrivain, illustrateur. Jagd auf Menschen de Nunzio Malasomma (Allemagne) (1926) – Carlo Aldini et une femme lui tenant la main à table. (C) Ministère de la Culture – Médiathèque de l’architecture et du patrimoine

0